Variances n°13
BCBG et militante
Je vivais au jour-le-jour, dans le seizième sud, dans une « chambre de bonne » prêtée par mon fiancé, pas trop près du domicile d’une future belle famille que je pressentais accaparante.
Il me fallait ce qui n’était pas encore des « petits boulots » pour subvenir à mes besoins. Je travaillais pour un chercheur en économétrie; cela consistait à rédiger une note méthodologique sur le TEI. Mon employeur habitait rue Monge et je devais lui porter mon travail toutes les semaines.
Je me déplaçais alors dans une vieille Dauphine, qui allait rendre l’âme et l’huile sur les pieds de ma belle-mère, sur l’autoroute de l’ouest, le mois suivant.
La révolution culturelle ne me passionna pas de prime abord, son effet le plus immédiat pour moi fut de retarder la date de mon mariage d’un mois.
L’essence venant à manquer, je dus me rendre rue Monge à bicyclette. Pour être dons le ton, j’avais délaissé mon uniforme (mocassins, jupe plissée, shetland, collier de perles) pour ce qui me paraissait de circonstance: chaussures de tennis, jeans délavés et pull-over usagé. Boulevard Saint Germain, la police m’obligea à abandonner ma bicyclette. Je dus continuer à pied, avec un intermède en auto-stop.
L’ambiance me pénétra, légitimant soudain ma récente rébellion et un esprit féministe qui n’était pas encore une banalité. Je me joignis à un groupe de manifestants et me retrouvai… au poste de police. Je fus relâchée quelques heures plus tard, moyennant un humiliant appel téléphonique à ma famille pour obtenir sa caution morale.
Je n’avais pas livré mon travail mais, j’étais plutôt fière d’avoir participé à une révolution qu’ à ma modeste échelle j’avais anticipée.
N’allez surtout pas raconter cette histoire à mes enfants, ils pourraient remettre ça!
Dominique Beudin, ENSAE 69 Chef de la division
« Évaluation des Entreprises » Agence Française de Développement